Chère lectrice, cher lecteur, bonjour,
On pourrait penser que nous sommes des machines contrariantes, genre, on vous dit pale avançante et vous dites pale reculante.
Mais pas du tout. Nous sommes comme on nous a conçus.
C’est vrai que de notre point de vue l’idéal eût été que le pas général soit cranté et qu’il y ait un point mort sur le cyclique. Mais comme ça n’est pas le cas, ni nos concepteurs – ni la quatrième fée de la légende – n’ayant prévu quoique ce soit allant dans ce sens, il faut trouver par soi-même comment bouger la main droite et la main gauche avec une même amplitude ou une même intensité dans le geste alors qu’on ne l’accomplit pas de la même main et qu’entre les deux mains, le geste est à l’opposé (main droite, je pousse/main gauche, je lève ou main droite, je tire/main gauche, je baisse).
Ce qui fait que l’on peut tout à fait mettre et du cyclique et du pas général comme il se doit, par exemple pour accélérer sans perdre de l’altitude, et en perdre quand même. Et d’ailleurs plus sûrement en gagner.
On expliquait ça au Cessna qui nous a demandé pourquoi. On lui a dit que généralement, on oubliait l’inertie chère à Mr Newton. Donc, on mettait un chouia de pas cyclique et on levait le pas général. Le pas cyclique est une commande très souple et comme on dit d’en mettre très peu, on en met très peu. Le pas général est une commande sur laquelle on tire et donc on peut avoir tendance à y mettre plus de force. A ce moment-là, on a déjà mis plus de pas général que de cyclique et vraisemblablement, on commence à monter. Il y a aussi un temps d’inertie sur le pas général.
Comme on ne voit pas le résultat du cyclique, on se dit généralement qu’on n’en a pas mis assez et on en remet avec à nouveau du pas général. Et là, on a besoin d’une explication sur tout ce que l’on a fait de travers.
Pour que ça marche, il faut mettre en proportion autant de cyclique que de pas général, pas facile d’autant que le geste, c’est d’abord le cyclique puis le pas général.
Utiliser les deux commandes est une conséquence des effets premiers et des effets seconds et y mettre juste l’intensité du geste qu’il faut découle de ce que l’on pourrait appeler l’alchimie du mouvement, ce qui suppose une étroite compréhension de l’hélico.
D’ailleurs, c’est ce qu’il nous avait dit quand on a fait connaissance (voir notre blog), « il faut faire corps avec sa machine ».
Pour ce qui étaient des effets premiers et des effets seconds, le Cessna nous a dit qu’il les mémorisait bien.
Vous entendrez d’ailleurs peut-être parler d’effets primaires et d’effets secondaires. Nous, on préfère dire effets premiers et effets seconds. Sinon, on a l’impression que le secondaire est secondaire et donc, a moins d’importance.
Donc, le pas cyclique joue sur la vitesse (effet premier) mais aussi sur l’altitude (effet second) et le pas général joue sur l’altitude et sur la puissance (effets premiers) et sur le couple (effet second) sachant que le palonnier gère le couple (effet premier) et a une incidence sur la puissance (effet second).
Pour ce qui était de l’alchimie du mouvement, il se souvenait qu’il avait parlé de doigté lors de notre première rencontre, mais, à nous écouter, il avait le sentiment que c’était plus subtil, un ensemble fait de patience, de compréhension, d’essais-erreurs, d’ajustements à petites touches.
A notre connaissance, nous a-t-il demandé, y avait-il un objet qui conduise à un équilibre par la justesse du geste ? comme on lui parlait d’un simulateur, il nous a dit qu’il aimerait un objet du quotidien auquel il pourrait penser pour s’en rappeler.
En fait, sa demande s’apparentait à trouver un moyen mnémotechnique. Genre, combien de bosses a un dromadaire ? Nous, on a un truc infaillible !
On était quand même un peu perplexes. Pourquoi, en tant qu’avion, vouloir mémoriser la manière de se servir de nos commandes ?
Nous avons appris qu’il avait un grand projet auquel ça allait contribuer. Il voulait faire une étude comparative sur le pilotage par rapport à celui d’un avion. Qu’il avait sollicité le girodyne et l’autogire et que d’ici qu’il avance dans son étude, il avait besoin d’un moyen mnémotechnique pour se souvenir de tout ce qu’on lui avait dit.
Un moyen mnémotechnique. On avait bien une maquette d’hélicoptère dans la salle commune dans le hangar mais c’était pour présenter les principes de vol lors des briefings sol avant un vol d’initiation et on ne pourrait pas, juste en la regardant, se souvenir de tout ce qu’on lui avait dit.
Dans notre quotidien, on ne voyait pas d’objets qui puissent faire l’affaire.
On en serait resté là s’il n’y avait pas eu une nuit un orage.
Depuis, quand on y fait référence, on l’appelle la nuit de Fantasia. On l’a surnommée ainsi en rapport à Fantasia le film des studios Disney. Vous connaissez Fantasia ? Il y a des chevaux volants alors, forcément, on s’identifie. Dans le film, les chevaux ailés s’essuient aussi un orage. Ça rapproche.
Notre orage a commencé par des torrents de pluie et des averses de grêle. Un gros cumulonimbus tout proche se déversait sur le hangar. Le vent soufflait. Ça hululait dans tous les coins. On n’était qu’à moitié rassurés. On pensait au Cessna seul sous sa bulle. Au matin, il nous a dit qu’il n’avait rien entendu. Avec l’orage juste au-dessus de nous !!! Quand il nous a dit qu’il avait un sommeil de plomb, c’était pas du chiqué !
D’ailleurs, savez-vous comment on mesure la distance d’un orage ? vous comptez le nombre de secondes qui séparent l’éclair du tonnerre puis vous divisez le nombre par 3. Le résultat vous donne la distance en kms entre l’orage et le lieu où vous vous trouvez.
Et des éclairs il y en a eu. Un vrai festival. C’est d’ailleurs à la faveur d’un éclair que ça s’est passé !
Nous allons nous arrêter là pour aujourd’hui et revenons vers vous très vite pour vous apprendre ce qu’il s’est passé.
Aramis a un vol d’initiation qui arrive et il doit s’y préparer.
Nous vous disons à très bientôt
Le Hugues 500, le Hugues 300 et le Bell 206